Thérapies moléculaires ciblées

De nombreuses molécules spécifiques sont impliquées dans la croissance et la survie des cellules tumorales ainsi que dans le développement général et la progression de la maladie. La thérapie moléculaire ciblée peut être définie comme une sorte d’approche médicale personnalisée destinée à interférer avec les anomalies moléculaires uniques qui favorisent la croissance et la progression des tumeurs.

Du point de vue de la thérapie moléculaire ciblée, chaque individu est porteur d’un cancer qui possède un groupe de caractéristiques qui lui est propre. Chaque cancer se développe de manière unique pour chaque personne, et la thérapie moléculaire ciblée est réputée être une approche personnalisée. Les médicaments utilisés dans le cadre de la thérapie moléculaire ont pour objectif de bloquer ou perturber le processus biologique spécifique qui est indispensable au développement, à la croissance et à la progression de ce cancer en particulier.

En d’autres termes, les mêmes types de cancer ont des molécules cibles différentes. Cela vaut également lorsque le diagnostic s’avère être identique en termes de stade d’avancement et de grade (par exemple, un mélanome malin de stade III-B)

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Dans le cas de certains cancers, les molécules cibles sont bien établies, tandis que dans d’autres cas, elles sont encore en cours d’identification. Afin d’identifier les molécules cibles impliquées dans le cancer d’une personne, l’oncologue devra travailler en étroite collaboration avec un pathologiste afin d’analyser avec soin les caractéristiques moléculaires du cancer. Cette approche doit permettre aux oncologues d’améliorer la personnalisation de la thérapie du cancer.

La thérapie moléculaire ciblée offre notamment les avantages suivants :

  • Des effets secondaires probablement moins nombreux et moins nuisibles sur les tissus sains
  • Une amélioration de la qualité de vie
  • Une augmentation de l’efficacité, en complétant parfois cette thérapie avec d’autres traitements

 

Exemples de thérapies moléculaires ciblées

La majorité des thérapies moléculaires ciblées sont soit des anticorps monoclonaux soit de petites molécules. Les anticorps monoclonaux sont des molécules relativement larges qui ne peuvent généralement pas pénétrer à l’intérieur des cellules ; ils sont utilisés uniquement pour des cibles situées en dehors des cellules, telles que les membranes cellulaires. Au contraire, les petites molécules semblent être idéales pour les cibles situées à l’intérieur des cellules car ces médicaments sont capables de pénétrer relativement facilement à l’intérieur des cellules.

Voici quelques exemples de cette approche ciblée de la thérapie :

  • Le trastuzumab(commercialisé en tant que Herceptin) cible une protéine participant à la transmission des signaux cellulaires et appelée HER2. Cette protéine est hyperactive dans un cas de cancers du sein sur quatre. Ce médicament est habituellement utilisé conjointement avec ou à la suite de traitements conventionnels.
  • Le bévacizumab(commercialisé sous le nom d’Avastin) est un anticorps monoclonal qui reconnaît spécifiquement et est dirigé contre le facteur de croissance de l’endothélium vasculaire (VEGF). Ce facteur de croissance participe au processus d’angiogénèse, ou la formation de nouveaux vaisseaux sanguins. Ce médicament est principalement utilisé pour le traitement des cancers du côlon et du poumon.
  • Le vemurafenib(commercialisé sous le nom de Zelboraf) est un inhibiteur sélectif de BRAF utilisé dans le traitement du mélanome mutant de BRAF. Ce médicament cible la protéine (BRAF) impliquée dans la transmission des signaux cellulaires normaux. Près de la moitié des mélanomes présentent une mutation du gène BRAF et ont tendance à se montrer plus agressifs.
  • L’erlotinib(commercialisé sous le nom de Tarceva) cible un facteur de croissance appelé récepteur du facteur de croissance épidermique (EGFR). Cette protéine est impliquée dans la transmission des signaux cellulaires et subit une mutation dans 25% des cas de cancer du poumon, notamment dans les cancers qui se développent chez les non-fumeurs ou les petits fumeurs.

 

Approche intégrative : l’exemple des cancers de la tête et du cou

L’utilisation d’un traitement moléculaire ciblé représente une nouvelle approche pour traiter les carcinomes à cellules squameuses au niveau de la tête et du cou (HNSCC). De nombreuses recherches menées dans ce domaine ont ciblé le cétuximab et d’autres inhibiteurs des récepteurs du facteur de croissance épidermique (EGFR). Des évaluations cliniques ont été réalisées sur le cétuximab combiné à la radiothérapie, la chimiothérapie et aux chimiothérapies d’induction pour le HNSCC. La capacité de ce médicament à augmenter le taux global de survie sans accroître le niveau de toxicité rend cette solution thérapeutique très intéressante.

Parmi les autres agents biologiques d’intérêt figurent les inhibiteurs de la tyrosine kinase, le géfinitib et l’erlotinib, qui ont également démontré leur capacité à améliorer les taux de contrôle sur la maladie lorsqu’ils sont utilisés avec la chimiothérapie. L’exploration des combinaisons possibles entre ces traitements et la PDT ou immuno-PDT reste un potentiel de recherche encore inexploité.

L’objectif de cette recherche consisterait à déterminer si les inhibiteurs EGFR et les inhibiteurs de la tyrosine kinase sont capables d’améliorer les résultats à long terme de l’immuno-PDT dans le cas des cancers de la tête et du cou avec métastases ou récidivants. En utilisant plusieurs angles d’attaque pour lutter contre le HNSCC, nous espérons obtenir un contrôle et une éradication plus efficaces de la maladie.

Dans le même ordre d’idée, la PDT pourrait être combinée aux thérapies moléculaires ciblées afin d’inhiber l’angiogénèse. Le processus de formation de nouveaux vaisseaux sanguins est indispensable à la croissance et à l’invasion de la tumeur ainsi qu’au développement des métastases. De nombreux médicaments antiangiogéniques ont prouvé leur action contre un large éventail de types de tumeurs, et les efforts se poursuivent pour comprendre les mécanismes nécessaires à la formation de nouveaux vaisseaux dans les tissus tumoraux, et comment intégrer ces découvertes dans une approche thérapeutique complète du HNSCC.

Comme l’angiogénèse a un rôle défini dans la progression du HNSCC, et étant donné le problème habituel de résistance des médicaments et de la radiothérapie, de nombreux essais cliniques ont été réalisés avec les agents antiangiogéniques concernant le HNSCC. À ce jour, l’angiogénèse est, à elle seule, d’une efficacité limitée. Néanmoins, il est vraisemblablement possible d’améliorer l’efficacité du traitement avec les agents antiangiogéniques en le combinant à la PDT ou l’immuno-PDT.

Il existe une symbiose naturelle entre la PDT et l’inhibition par des agents antiangiogéniques. Cela est dû au fait que le stress oxydatif généré par la PDT peut agir en tant que « switch angiogénique » qui entraîne la formation de nouveaux vaisseaux sanguins et la récidive de la tumeur. Des niveaux excessifs de facteur de croissance de l’endothélium vasculaire proangiogénique, de cyclooxygénase-2 et de métalloprotéases matricielles ont été identifiés suite à la PDT et de récentes recherches ont démontré que le fait de combiner les inhibiteurs angiogéniques avec la PDT afin de contrôler et de traiter les tumeurs représente une stratégie thérapeutique efficace. Une récente étude a démontré l’inhibition synergique de la croissance de la tumeur en combinant des médicaments antiangiogéniques, tels que l’Avastin, avec la PDT, comme indiqué en février 2010 dans la revue Journal of Biomedical Optics.

 

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Sources

Weiss A, den Bergh Hv, Griffioen AW, Nowak-Sliwinska P. Inhibition par des agents antiangiogéniques pour l’amélioration de la thérapie photodynamique : regain d’intérêt pour une idée prometteuse. Biochimica et Biophysica Acta. Août 2012 ; 1826(1) : 53-70

Bhuvaneswari R, Thong PS, Gan YY, Soo KC, Olivo M. Évaluation de la thérapie photodynamique utilisant l’hypericine combinée à l’inhibiteur angiogénique bévacizumab à l’aide de l’endomicroscopie confocale avec fluorescence in vivo. Journal of Biomedical Optics. Janv-fév 2010 ; 15(1) : 011114.

Bhuvaneswari R, Gan YY, Soo KC, Olivo M. L’effet de la thérapie photodynamique sur l’angiogénèse tumorale. Cellular and Molecular Life Science. Juil 2009 ; 66(14) : 2275-83

Bhuvaneswari R, Gan YY, Lucky SS, Chin WW, Ali SM, Soo KC, Olivo M. Profilage moléculaire de l’angiogénèse dans le cadre de la thérapie photodynamique utilisant l’hypericine. Molecular Cancer. 13 juin 2008 ; 7 : 56

Lisnjak IO, Kutsenok VV, Polyschuk LZ, Gorobets OB, Gamaleia NF. Effet de la thérapie photodynamique sur l’angiogénèse tumorale et les métastases chez les souris porteuses du carcinome pulmonaire de Lewis. Experimental Oncology. Déc 2005 ; 27(4) : 333-5